Commentaire de la décision du Conseil Constitutionnel du 13 juin 2025, n° 2025-1142 QPC
Dans le lotissement, le temps doucement efface,
Les règles d’hier, que nul ne remplace.
Si nul n’y bâtit, tout s’éteint sans recours,
Et la mairie rêve d’y tracer ses contours.
Le régime juridique des lotissements – « une division foncière en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis » – ne cesse de faire couler l’encre des Hommes de cœurs et des juristes, en particulier depuis le vote de la loi dite « ALUR » (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014), laquelle a substantiellement modifié ce régime juridique.
L’objectif assumé de cette loi était, s’agissant des lotissements, de favoriser la densification des gisements fonciers en ne restreignant plus les droits à construire au sein des lotissements et en augmentant les leviers juridiques pour éviter les cas de conflits entre les documents du lotissement et les règles d’urbanisme de la Commune.
En témoigne la refonte de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme, lequel prévoit que les règles d’urbanisme contenues dans les documents du lotissement deviennent caduques au terme de 10 années à compter de la délivrance du permis d’aménager si, à cette date, le lotissement est couvert par un Plan local d’urbanisme (PLU).
Synthétisant l’état actuel du droit, la Cour d’appel de Poitier, dans son arrêt du 18 mars 2025 n° 23/00938, a rappelé que :
- 🥇L’ensemble des règles d’urbanisme contenues dans le règlement du lotissement deviennent caduques aux termes de 10 années passés après la délivrance du permis d’aménager si, à cette date, le lotissement est couvert par un PLU ;
- 🥈Les règles de droit public contenues dans le cahier des charges deviennent également caduques dans ce délai si les colotis n’ont pas entendu maintenir leurs applications et que le cahier des charges n’a pas fait l’objet d’une publication au registre foncier ;
- 🥉En présence d’une volonté expresse des colotis de maintenir les règles, elles demeurent opposables dans les rapports entre colotis mais en aucun cas dans le cadre des rapports avec la collectivité ; Ce maintien permet, par exemple, de solliciter la destruction d’une construction qui méconnaîtrait les règles du cahier des charges, et ce quand bien même cette construction serait conforme aux réglementations locales d’urbanisme (Voir, par exemple, Cour d’appel de Pau, 4 juin 2024, n° 23/00282).
Des règles d’urbanisme plus restrictives pouvant donc être maintenues en dépit de l’existence de règles plus favorables en application du PLU, la loi ALUR a également instauré un nouvel article L. 442-11 au sein du Code de l’urbanisme, lequel permet à l’autorité publique compétente, lorsque l’approbation d’un PLU intervient postérieurement au permis d’aménager un lotissement, et après une enquête publique spécifique, de modifier tout ou partie des documents du lotissement et notamment le règlement et le cahier des charges « pour mettre en concordance ces documents avec le PLU au regard notamment de la densité maximale de construction résultant de l’application de l’ensemble des règles dudit PLU ».
En résulte donc une ingérence évidente de la collectivité dans les choix contractuels édictés par des propriétaires privés sur leurs propres terrains.
C’est précisément de cette ingérence dont avait à connaître le Conseil Constitutionnel dans la présente décision commentée, les requérants reprochant à ces dispositions « de permettre à l’autorité administrative de modifier, sans l’accord des propriétaires colotis, les clauses de nature contractuelle d’un cahier des charges qui régissent les rapports de droit privé entre ces colotis »🛑.
En résulterait, à les lire, « une atteinte disproportionnée au droit de propriété ainsi qu’au droit au maintien des conventions légalement conclues ».
Reprenant son modus operandi habituel, à savoir « qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi », le Conseil Constitutionnel, considérant tant l’objectif de l’article L. 442-11 du Code de l’urbanisme – « faciliter l’évolution des règles propres aux lotissement afin de favoriser la densification des quartiers de lotissement et de permettre ainsi aux colotis de bénéficier de l’intégralité des droits à construire résultant de la réglementation d’urbanisme applicable » – que ses critères d’applications – mise en œuvre d’une enquête publique et modification cantonnée aux règles existantes du PLU – va venir juger que :
« Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas aux conditions d’exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. Elles ne méconnaissent pas non plus le droit au maintien des conventions légalement conclues ».
Les dispositions de l’article L. 442-11 du Code de l’urbanisme demeurent donc parfaitement applicables et opposables à l’ensemble des clauses des cahiers des charges qui restreindraient les capacités de construire au sein des lotissements.